samedi 18 janvier 2014

Une famille de pèlerins meurt empoisonnée aux portes du monastère !

Dans ce premier post de l'année 2014, nous retrouvons Anthémios et Georges, qui, au milieu du dixième chapitre, sont confrontés à une étrange affaire : une famille de paysans ayant assisté à la procession de Pâques au monastère, deux jours plus tôt, se présente aux portes de l'établissement et y meurt rapidement, victime d'un mystérieux empoisonnement...


Dans cette partie du dixième chapitre, alors que Georges et Anthémios sont encore dans l'infirmerie et que Staurakios, l'herboriste, vient à peine de terminer de prodiguer des soins à un patient atteint de paludisme (voir post précédent), Méthode, le portier, fait irruption dans la pièce pour alerter le médecin d'un cas des plus urgents : une famille entière est mourante à l'entrée du monastère ! 

Une fois au portail, Anthémios reconnaît immédiatement la famille en question. Il s'agit des paysans qui ont consommé, à Pâques, le vin mélangé à la poudre extraite de l'icône représentant le mystérieux inconnu. Ils sont tombé malade quelques heures après la procession. Toute la famille est atteinte. L'épouse tombe inanimée dans les bras de Staurakios. Dans leur chariot, l'herboriste se rend vite compte que l'un des deux fils est déjà mort et que le second est évanoui comme sa mère. Seul le père est encore à peu près lucide, quant à la petite fille, elle est victime de fortes nausées. Le père accuse le mélange de vin et de poudre qui leur a été servi au monastère. Sa vieille mère est morte, elle aussi, après en avoir bu. Anthémios fait remarquer à Georges et Staurakios que cette icône avait été spécifiquement utilisée pour cette famille. Méthode le confirme aussitôt, ce qui trouble Georges, mais Staurakios reste dubitatif, il croit à une maladie contagieuse plutôt qu'à un empoisonnement. Le deuxième fils meurt dans les instants qui suivent... Staurakios fait alors conduire les parents et la fille à l'auberge. Ils y seront soignés plutôt qu'à l'infirmerie pour éviter toute contagion à l'intérieur du monastère. L'épouse y meurt rapidement à son tour... Devant la rapidité de cette mortalité, Staurakios s'isole avec Georges et reconnaît son impuissance. Il lui confirme qu'il est préférable de convoquer Anastase comme Georges le lui avait suggéré auparavant. 

Une réunion d'urgence est aussitôt organisée dans la salle d'audience. Anastase et tous les maîtres et principaux moines sont rassemblés. Anthémios a exceptionnellement le droit d'y assister malgré son statut de simple postulant. Une fois la nouvelle annoncée à tous, c'est la stupéfaction dans l'assemblée. Anastase demande le calme et cherche avant tout à préserver la réputation du monastère en s'inquiétant de voir la nouvelle se propager dans la région. Les moines réagissent différemment à la situation. Certains, comme Georges ou Basile, estiment qu'il est trop tôt pour confirmer que ces morts sont dû à un empoisonnement lié à cette icône et qu'il s'agit peut-être d'une contagion foudroyante. Anastase est pessimiste et sait que même si la responsabilité du monastère n'est pas engagée, il souffrira de la rumeur. Sa réputation se détériorera et ses finances et soutiens en pâtiront. Ce que confirme Hippolyte l'économe. L'higoumène cherche alors le meilleur moyen d'étouffer au plus vite tout risque. Après s'être renseigné sur cette famille, auprès de Rhômanos, le cellérier, il propose alors de trouver un arrangement avec ce paysan en suggérant de diminuer son loyer, voire de l'en exonérer. Il est soutenu par Hippolyte et Makarios dans cette idée mais Georges, lui, en est offusqué. Pour lui, cela revient à acheter le silence de ce malheureux paysan alors que la responsabilité du couvent n'est pas encore établie. Ce débat est vite clos, dans la mesure où Staurakios rejoint l'assemblée et annonce la mort du paysan. Acheter son silence ne sera donc pas nécessaire. Anastase est probablement soulagé malgré la consternation que jette l'annonce de cette nouvelle mort. Seule la fille reste vivante, malgré son jeune âge. Elle a bu beaucoup moins de vin que ses aînés. Staurakios reconnaît alors que cela confirme probablement l'hypothèse de l'empoisonnement. Il exclut de mettre en cause le vin, identique à celui utilisé pour les autres familles, et songe plutôt à la poudre de l'icône. 
Icône de l'échelle de l'ascension divine, monastère de Sainte Catherine du Sinaï, XIIème siècle
(Wikimedia Commons)

Makarios, le bibliothécaire, fait partie de ceux qui pensent à une intervention démoniaque et mettent en cause l'origine maléfique de ces icônes. Georges trouve cela grotesque et réagit avec véhémence, appelant à la raison et au bon sens. Basile, de son côté, reproche à Manuel d'avoir utilisé cette icône alors que son origine est si suspecte et entourée d'inconnu. Le peintre se défend en rappelant qu'il avait l'accord de l'higoumène pour le faire, ce qu'Anastase confirme. Georges demande alors l'expertise de Staurakios puis de Manuel au sujet d'une particularité éventuelle concernant l'état ou la constitution de cette icône qui pourrait expliquer sa nocivité. Ils ne lui trouvent rien de particulier et Manuel lui dit qu'il n'y a rien d'explicable car c'est la nature diabolique même de cette icône qui explique ces morts. La peur du diable est déjà un sujet de tourments dans cette période du moyen-âge très ancienne...    

Les réactions sont très partagées dans la communauté. Makarios est l'un des premiers à réagir en faveur de la remarque de Manuel. Georges le raille et s'étonne qu'un bibliothécaire cultivé comme lui se laisse prendre dans cette histoire. Il dénonce la crédulité de certains moines et prend alors pour exemple la vision d'Anthémios. Il annonce ainsi à tous les moines qu'Anthémios dit avoir décelé un sourire sur l'image. Il ne cherche pas à l'humilier mais à dénoncer cette fascination pour cette image entourée de légende. La communauté en rit mais Alexandre, l'ecclésiarque, réagit pour soutenir Anthémios et révèle à tous une expérience qu'il a lui même vécu avec cette icône vingt ans plus tôt. Il révèle à la communauté avoir aperçu furtivement le personnage représenté sur l'icône. Une apparition brève mais qui l'avait troublé. La nouvelle de cette apparition de spectre créé l'émotion dans l'assemblée et redonne du crédit aux partisans de la nature démoniaque de cette icône. Anastase regrette qu'Alexandre n'ait parlé de cette histoire que si tardivement mais il revient sur la vision d'Anthémios et souhaite que tout le monde aille la vérifier. L'assemblée se rend donc dans le catholicon et chacun observe à tour de rôle l'icône. Les observations restent très partagées. Les sceptiques comme Georges ou Basile ne voient rien. D'autres comme Makarios ou Manuel affirment voir clairement un sourire. Enfin, une dernière minorité de moines, comme Anastase, ont plus de mal à se prononcer. Chacun y voit en fait ce qu'il veut y voir. Anastase constate qu'ils ne sont pas plus avancés et les divisions se creusent encore davantage, entre Basile et Makarios par exemple. 

Manuel énumère alors tous les signes maléfiques liés à cette icône et demande à ce qu'un exorcisme soit pratiqué. L'exorcisme dans le monde byzantin existait évidemment comme il existait en Europe occidentale. Georges trouve ça grotesque et Anastase répond que personne ne maîtrise cette pratique au monastère. Manuel demande à ce qu'on fasse venir quelqu'un pour le faire, mais l'higoumène ne veut pas ce genre de publicité. Makarios propose alors de les détruire en les brûlant afin de purifier le monastère. Cette proposition reçoit une vive opposition, on craint la colère divine... 

Finalement le débat est clos par Anastase qui statuera plus tard sur le sort à réserver à ces icônes, il veut se donner un peu de temps de réflexion. D'autant que comme le rappellent Georges puis Narsès, l'ivoirier, la nature maléfique ou divine de ces icônes n'est pas clairement établie et que la communauté se déchire sans doute inutilement à ce propos. Pour l'higoumène, l'urgence, pour l'heure, est d'abord de s'occuper de la petite paysanne et de son avenir si elle survit. Rhômanos lui confirme qu'elle n'a plus de famille. Anastase suggère alors à Hippolyte et à Georges de la prendre en charge en attendant de trouver un couvent de moniales prêt à l'accueillir. Il imagine bien sûr un couvent lointain et isolé où elle sera soumise à la règle de silence... car il n'oublie de faire en sorte d'étouffer au maximum cette histoire et à protéger la réputation de son monastère...

A bientôt et meilleurs voeux pour la nouvelle année !

Olivier.