mardi 2 août 2016


Attente, tristesse et espoirs entre Tunis et Alger...  




Après l'interview de Pierre-Etienne Musson en mai dernier, le blog retrouve son cours cet été et reprend le fil du Tome 2, plus précisément au niveau du dixième chapitre. Au cours de celui-ci, Pierre, qui est hospitalisé à Tunis suite à sa blessure, vit dans l'espoir de retrouver rapidement Madeleine à Alger et lui écrit, tandis qu'elle même n'a qu'une hâte : lui rendre visite aussi vite que possible... "Des espoirs de retrouvailles" tel est justement le titre de ce chapitre, mais ces espoirs vont être contrariés par le père de Madeleine...

Carte postale du début du XXe siècle représentant le bâtiment principal 
de l'Ecole Coloniale d'Agriculture de Tunis qui abritait l'hôpital bénévole N°1 bis 
durant la Grande Guerre (Wikimedia Commons)
Transféré durant l'été 1915 à l'hôpital bénévole N°1 bis de Tunis, Pierre trouva rapidement l'occasion d'écrire à Madeleine, sa bien-aimée (voir post d'octobre 2015). Celle-ci ne reçoit son courrier à Alger que début septembre, peu de temps avant la rentrée scolaire, la troisième de la carrière de cette jeune institutrice. 


Photo de classe datée de 1915, école Baba Hassen à Alger (Alger50.org)
Elle est folle de joie d'avoir enfin de ses nouvelles, après des mois sans courrier de sa part. Inquiète de le savoir blessé, elle est rassurée qu'il ne le soit que légèrement et elle est surtout très heureuse qu'il se soit rapproché d'elle en étant lui aussi en Afrique du Nord. Elle rêve d'aller lui rendre visite, mais sa relation avec lui étant encore relativement clandestine, elle doit composer avec l'opposition de ses parents... Si sa mère avait connaissance de sa correspondance avec un homme parti à la guerre et qu'elle voyait cela d'un mauvais oeil, elle s'abstint toutefois d'en parler à son mari. Elle se contenta de communiquer à Madeleine sa réprobation. En attendant de pouvoir convaincre ses parents de la laisser se rendre à Tunis, Madeleine écrivit à Pierre en lui promettant de le rejoindre dès que possible. 

De son côté, Pierre se désespère de ne recevoir le moindre retour de  Madeleine et se demande si elle ne l'a pas oublié, rayé de sa vie. Aussi, lorsqu'il reçoit enfin sa lettre à la fin septembre, il est au comble du bonheur. Elle l'aimait toujours et allait faire tout son possible pour venir le retrouver à Tunis. Il lui restait à s'armer de patience et pour tuer le temps il passait ses journées à lire des romans qu'on lui procurait à l'hôpital. 

Madeleine finit par se confier à sa mère sur ses intentions de se rendre à Tunis pour rendre visite à Pierre. Celle-ci se montra compréhensive malgré une certaine réprobation, aussi lui promit-elle d'en parler à son père pour le convaincre de la laisser partir et de lui financer une partie de son voyage. Malheureusement, il s'y opposa violemment. En colère contre sa fille qui entretenait en cachette une relation avec cet homme qu'il ne connaissait pas et fâché contre sa femme qui jouait le jeu de sa fille et tentait de le convaincre de la laisser rejoindre Pierre. Remplie de tristesse, Madeleine se résolut une nouvelle fois à prendre la plume, cette fois pour informer Pierre qu'elle allait devoir renoncer à son voyage.
Tablette de défixion en plomb énonçant une malédiction 
en grec contre un certain Kardelos, IVe siècle après JC, 
Colombarium de la Villa Doria Pamphili à Rome 
(Wikimedia Commons - Jastrow)

Pierre reçoit cette décevante nouvelle après la Toussaint, le 3 novembre exactement. Déchiré par le chagrin, il doit se résigner et faire le deuil de cette hypothétique visite. Il reprend cependant espoir en se rendant compte que sa convalescence avançait bien et qu'il pourrait bientôt quitter l'hôpital. Avec un peu de chance, il bénéficierait alors d'une permission qu'il pourrait mettre à profit pour se rendre à Alger et retrouver enfin l'élue de son coeur. Dans cet espoir, il lui restait à terminer sa convalescence patiemment. Son repos n'est contrarié que par des douleurs parfois à son épaule blessée, tandis que son sommeil continuait à l'être par des cauchemars à répétition qui ne le lâchaient plus depuis le mois de juillet. Il restait convaincu qu'ils étaient dû aux objets byzantins qu'il avait découvert accidentellement à cette époque. Sans doute le charnier dans lequel ils se trouvaient était-il maudit ? Il aurait aimé pouvoir décrypter la tablette de défixion qui était encore en sa possession, car elle lui en apprendrait sans doute beaucoup à ce sujet. Il se consacre ainsi à cette activité, autant pour essayer de dévoiler ce mystère que pour s'occuper. Malheureusement, la plaque était très oxydée et presque illisible. Il a l'idée de se faire fournir du vinaigre blanc et du bicarbonate par une infirmière afin de la nettoyer. Bien qu'il s'y consacre minutieusement, il doit reconnaître que la plaque reste peu lisible d'autant qu'il n'a pas un oeil aussi aguerri qu'un expert. Il note toutefois sur un carnet tout ce qu'il parvient à distinguer ou à déchiffrer. Ces bribes de texte ne lui permettent pas d'en savoir beaucoup plus, mais au moins cela avait l'intérêt de tuer le temps.

A Alger, la situation avait évolué dans le bon sens pour Madeleine. Sa mère avait en effet réussi à convaincre son mari de laisser leur fille rendre visite à Pierre, à Tunis. Madeleine est aux anges mais elles redoute un revirement paternel et préfère s'abstenir de prévenir Pierre. Elle tenait à lui éviter de vivre une grande déception le cas échéant... Elle envisage de le rejoindre pour Noël et de passer quelques jours à Tunis auprès de lui. Elle prétexterait une grippe pour justifier son absence auprès du directeur de l'école. L'accord de son père était cependant très conditionnel : il lui faudrait être accompagnée d'un proche car il refusait qu'elle voyage seule et elle ne verrait Pierre qu'à l'hôpital et nulle part ailleurs. C'est Jean-Baptiste, le mari de sa cousine Isabelle, qui l'accompagnera. Ingénieur à la CFAE, la compagnie publique de chemins de fer d'Algérie, il doit justement se rendre à Tunis en fin d'année. C'était une occasion rêvée à ne pas laisser passer. Blessé dans les Vosges en début d'année, Jean-Baptiste était maintenant démobilisé et se déplaçait avec des cannes. Il n'avait pas l'intention de beaucoup s'impliquer dans le rôle d'escorte et surtout de chaperon que lui avait attribué le père de Madeleine. Celle-ci pourra donc compter sur une large liberté durant son séjour à Tunis... C'est sur cette promesse de retrouvailles que se termine ce post et ce dixième chapitre...

A bientôt.

Olivier.