jeudi 7 décembre 2017


Découvrez Carthage en parcourant ses vestiges et ses fouilles archéologiques aux côtés de Pierre Lacourt ! 




Ce post de fin d'année nous plonge dans le quatorzième chapitre, lequel voit la conversation de Pierre et de Madeleine à Alger (voir post/chapitre précédent) se poursuivre. Ils y abordent alors la rencontre de Pierre avec deux éminents archéologues à Carthage : le docteur Carton et le père Delattre. Une rencontre qui offre à Pierre de belles perspectives dans le cadre de ses ambitions archéologiques, d'où le titre de ce chapitre : "Les Promesses de Carthage". L'occasion pour nous de parcourir ce site fabuleux et de mieux connaître les deux archéologues qui y ont fait les principales découvertes... 


C'est à la demande de Madeleine que Pierre fournit de nombreux détails sur les circonstances de sa rencontre avec ces deux archéologues et sur la teneur de ses échanges avec eux. Il lui raconte ainsi qu'il a rencontré le docteur Carton dès le lendemain soir de son arrivée à l'hôpital-dépôt de Salammbô. Carton en est le médecin-major et fondateur. 
L'ancien palais de Carthage, résidence du Bey, devenu palais Beït El Hikma
et qui abritait l'hôpital dépôt de Salammbô durant la Première Guerre Mondiale (Nachoua.com)

Ce soir-là, en faisant une tournée de ses patients, celui-ci remarque que Pierre avait noté dans son carnet des inscriptions en grec. Cela ne manque pas de l'étonner et une discussion s'engage ainsi entre eux. Pierre lui révèle la découverte qu'il a faite aux Dardanelles, et lui précise qu'il essaye de déchiffrer la plaquette en plomb qu'il en a ramenée. Intéressé, le médecin lui annonce qu'il est archéologue et souhaite voir cette plaque qu'il pense antique. Pierre lui indique qu'elle est plutôt médiévale, car elle était entourée d'objets byzantins. Carton inspecte l'objet et estime en effet que c'est tout à fait plausible. Le trouvant plutôt bien informé, Carton lui demande ce qu'il fait dans le civil et Pierre lui répond qu'il est étudiant en droit du côté d'Alger mais qu'il rêve de devenir archéologue. Carton comprend bien-sûr cette passion, lui qui fait effectuer des fouilles depuis vingt-cinq ans en Tunisie. 

Il propose alors à Pierre de montrer cette plaquette à quelqu'un de plus habitué que lui aux écrits grecs de l'époque byzantine. Il pense plus particulièrement au père Delattre qui mène, lui, des fouilles à Carthage depuis quarante ans. Il donne rendez-vous à Pierre pour le lendemain, en fin de matinée, afin d'aller ensemble rendre visite à ce religieux.

Le médecin-major vient donc trouver Pierre dans sa chambre le lendemain matin après ses consultations et l'invite à le suivre. Il le convie d'abord sur le chantier de fouilles que lui-même mène non loin de l'hôpital, sur le port punique de Carthage situé dans une petite anse nantie d'un îlot où était stationnée la flotte Carthaginoise dans l'Antiquité. Pierre s'attendait à un site plus grand, mais le médecin-archéologue lui apprend que le port pouvait pourtant accueillir probablement plus de 200 embarcations. Pierre est admiratif et le médecin lui présente l'équipe avec laquelle il travaille. Le jeune homme rêverait d'en faire partie et d'être entouré de gens comme eux.


Vue aérienne de Carthage et de Salammbô, en 2010, avec les anses des ports puniques militaire et commercial
(Wikimedia Commons - T A / Pradigue)
Salle punique du Musée Lavigerie, carte postale du début du XXe siècle
(Wikimedia Commons)


Puis Carton finit par l'inviter à aller retrouver le père Delattre. Les deux hommes prennent ainsi la direction de la colline de Byrsa qui domine le site de Carthage et sur laquelle on trouve une cathédrale, une chapelle, un séminaire et un musée. Chemin faisant, ils discutent de ce père Delattre et Pierre apprend ainsi que cette ecclésiastique mène des fouilles sur le site de Carthage depuis de très nombreuses années et qu'il a fondé le musée Lavigerie près de la cathédrale. Ce musée porte le nom du cardinal qui avait missionné Delattre pour mener ces fouilles, et il est deviendra après l'indépendance le Musée National de Carthage. 

Pierre est époustouflé et est ravi d'avoir l'occasion de rencontrer un personnage avec une expérience aussi riche. Et malgré ses soixante-cinq ans, Delattre développe toujours une énergie incroyable dans ses fouilles lui précise Carton. Pierre lui demande si Delattre est surtout spécialisé dans la période punique et le médecin lui répond qu'il s'intéresse plutôt à l'Antiquité tardive et aux monuments paléochrétiens. Il devrait donc être assez à l'aise pour déchiffrer la plaque de grec de Pierre. Le médecin lui demande ensuite si les propres investigations de Pierre l'ont conduit à émettre une hypothèse sur le sens de cette plaquette. Pierre lui révèle alors qu'il suspecte qu'il s'agisse d'une plaquette de malédiction. Le médecin est sceptique car l'usage de tablettes de défixion remonte à l'Antiquité et il doute qu'à l'époque médiévale une telle pratique ait pu se perpétuer, bien que la sorcellerie était fréquente chez les Byzantins. Il demande alors à revoir la plaque et, pendant qu'il la consulte, Pierre lui fait remarquer une formulation qui fait référence à la magie et pourtant tout laisse croire que cette plaque est bien médiévale et non pas antique.
Le père Alfred Louis Delattre devant la chapelle Saint Louis de Carthage,
carte postale du début du XXe siècle
(Wikimedia Commons - Carte postale ancienne / Bertrand Bouret / Profburp)

En atteignant le haut de la colline, Carton raconte à Lacourt brièvement l'histoire des lieux. Il lui précise ainsi que cette colline a été offerte à la France sous Charles X, en 1830, par le bey de Tunis afin que puisse y être établi un espace dédié à Saint Louis, puisque c'est ici qu'une partie du corps de Louis IX a été enterré après sa mort en 1270 dans la région. Le souverain avait été emporté par la maladie durant le siège de Tunis lors des Croisades. Et c'est sous Louis Philippe qu'une première chapelle fut édifiée pour honorer son culte à Carthage. Pierre remarque qu'en cette période de guerre elle est très fréquentée par des civils venus se recueillir pour leurs morts ou pour la protection d'un proche au front. Quant à la cathédrale, il lui explique qu'elle est plus récente puisqu'elle n'a que vingt-cinq ans et qu'elle a été financée par des donateurs privés, essentiellement par des descendants de Croisés ayant participé au côté de Saint Louis au siège de Tunis. 

Aujourd'hui, la petite chapelle n'existe plus, elle a été rasée avant même la fin du protectorat, et la cathédrale est devenue, en 1993, un centre culturel baptisé "Acropolium".
Façade principale de la cathédrale Saint Louis de Carthage, en 2013,
avec entrée de l'Acropolium sur la droite
(Wikimedia Commons - Cambodia4kids.org / Beth Kanter)

Passant devant la cathédrale de style byzantino-mauresque et la statue de Saint Louis, ils se dirigent ensuite du côté du séminaire des pères blancs et du musée, car c'est là que Carton pense trouver Delattre. Malheureusement, on lui apprend que ce dernier est déjà sur un chantier de fouilles, du côté de la basilique Saint Cyprien au nord du site de Carthage. Les deux hommes sont quittes pour marcher une bonne vingtaine de minutes supplémentaires et redescendent donc de la colline.     
Villa "Stella" du docteur Carton à Kheireddine, carte postale du début du XXe siècle
(Wikimedia Commons - Profburp)

Pendant ce trajet, Pierre demande au médecin quelques détails sur son propre parcours, sur ce qui l'avait amené lui-même à s'orienter vers l'archéologie. Carton lui répond que c'est la passion qui le porte depuis tant d'années et que c'est cette même passion qui doit porter Pierre lui-même. Il estime que Pierre doit sûrement le comprendre et que ça ne s'explique pas. Il y est arrivé par la médecine et Delattre y est parvenu par la religion, il est donc convaincu que Pierre y débouchera par le droit, si celui-ci a la passion nécessaire. Cela rassure bien évidemment Pierre, et le médecin, en lui parlant de cette passion, lui raconte qu'elle reste dévorante et qu'il demeure un collectionneur incorrigible. Il lui décrit d'ailleurs sa villa à Kheireddine, tout près de Carthage, laquelle est entièrement décorée de vestiges antiques, de fragments de colonnes ou de chapiteaux, d'amphores ou de statuettes. Ce qui ne manque pas de faire rêver Pierre à une telle maison où il vivrait plus tard avec Madeleine.  

Puis, en lui décrivant son parcours, Carton lui parle de ses anciens chantiers menés en Tunisie durant sa carrière. Ses premières recherches remontent à 1888, lorsqu'il était jeune officier. C'était à Dougga, dans l'Ouest tunisien. Puis, plus tard en 1902, son parcours le conduisit à Sousse où il devint chef de service au 4e RTT et où il oeuvra aux fouilles des catacombes de la ville. Il est aussi intervenu à Bulla Regia, autre site superbe en Tunisie.

En continuant leur chemin, leur discussion les amène à envisager de mettre Pierre en contact avec des relations dans le milieu archéologique en Algérie. Ceux de Carton notamment, mais Delattre ayant des liens privilégiés avec le musée archéologique d'Alger c'est aussi une bonne piste à exploiter. Mais ceci devra attendre la fin de la guerre lui précise Carton, ce qui refroidit un peu notre pauvre Pierre.
Vue du site de la basilique Saint Cyprien, à Carthage, en 2010
(Wikimedia Commons - Rais67)

Les deux hommes arrivent alors enfin sur le site de la basilique de Saint Cyprien où un groupe est affairé. Il s'agit de pères blancs et de manoeuvres tunisiens intervenant dans un périmètre qui correspond à la nef de l'ancienne basilique. Delattre, portant un burnous, y est agenouillé en train de fouiller le sol et se relève en apercevant les deux visiteurs. Carton et Delattre se saluent alors et échangent différentes nouvelles concernant l'hôpital-dépôt récemment ouvert par le médecin militaire et sur les fouilles menées par le religieux, jusqu'à ce que ce dernier ne remarque la présence de Pierre. Il voit que le jeune homme s'intéresse aux découvertes effectuées dans la basilique et celui-ci lui pose des questions pertinentes sur la datation du site et des objets qui y ont été trouvés. Le médecin fait alors les présentations et l'ecclésiastique se soucie de la blessure de Pierre.

Carton annonce ensuite à Delattre le but de leur visite et lui parle de la tablette de défixion. Il lui indique en quoi elle est singulière par son époque et lui explique que Pierre essaie de la déchiffrer depuis longtemps. Ce dernier a sollicité son aide, mais le médecin estime que lui, Delattre, serait plus qualifié et plus à l'aise pour le faire.

Le religieux est un peu embarrassé, car ce n'est ni vraiment le moment, ni vraiment l'endroit pour le faire. Mais les deux hommes le rassurent en lui précisant que rien ne presse et qu'il peut s'organiser comme il l'entend. Delattre indique alors qu'il la fera expertiser et déchiffrer par l'un des membres de son équipe. La tâche sans être aisée ne devrait pas être trop longue et il fera en sorte de lui transmettre les résultats avant que Pierre ne quitte l'hôpital. Ce qui ne devrait plus tarder aux dires du médecin. 

Ce dernier enchaîne alors en abordant avec le religieux la possibilité de voir ce qu'il pouvait faire pour aider Pierre à nouer des contacts en Algérie, notamment avec le musée archéologique d'Alger. Il lui parle de sa passion et de son envie de devenir archéologue là-bas. Delattre ne s'y oppose pas, Pierre lui inspirant confiance, et sera prêt à le faire une fois que la guerre sera terminée. Pierre est ravi et le remercie infiniment et lui remet son carnet sur lequel il a annoté les résultats de ses propres investigations, estimant que cela pouvait éventuellement aider le religieux. Ils quittent alors les lieux afin de laisser Delattre et son équipe reprendre son travail. 

En marchant en direction du sud et de l'hôpital, le médecin interroge Pierre sur ses futurs projets archéologiques. Le jeune homme évoque son envie de faire ses gammes en Algérie puis de rejoindre plus tard la Grèce. Carton lui suggère d'envisager des pistes peut-être un peu plus originales, l'Algérie et surtout la Grèce ayant déjà été fortement explorées. Il lui conseille le Maroc où il reste beaucoup à faire, ce pays n'étant sous protectorat français que depuis trois ans. Il évoque aussi d'autres pistes qui pourraient s'ouvrir après la guerre, en cas de victoire, avec l'accès aux territoires du Levant, comme le Liban ou la Syrie. Ces perspectives sont motivantes pour Pierre, il le reconnaît, mais il se décidera après avoir fait ses classes en Algérie. Carton l'exhorte alors à poursuivre son rêve et à ne rien lâcher.

C'est de cette manière, d'un ton exalté et enthousiaste, que Pierre présente donc à Madeleine sa rencontre avec ces deux éminents archéologues et il est certain que celle-ci sera déterminante pour son avenir dans l'archéologie. Et par extension pour leur avenir commun. Madeleine est radieuse et souhaite de tout son coeur que cela aboutisse. Dans l'immédiat, ils veulent passer du temps ensemble et entreprennent de quitter le square Bresson pour aller flâner et se balader dans la Casbah.    

Le chapitre se termine ensuite par la fin du séjour de Pierre en permission à Alger, qui voit celui-ci être convié au repas du Jour de l'An chez les parents de Madeleine.  En ce premier jour de 1916, le père de Madeleine obtient de Pierre la promesse d'épouser sa fille une fois la guerre terminée et ses études finalisées. L'avenir de Pierre, durant ce séjour, prend ainsi une tournure décisive, tant dans sa vie amoureuse que dans ses projets archéologiques.

C'est avec ces perspectives alléchantes et prometteuses que Pierre reprend le train pour Tunis pour retrouver sa vie de soldat. Le coeur est lourd, lors de la séparation, mais les deux amoureux se quittent confiants et pleins d'espoir pour l'avenir. La seule ombre qui pèse sur eux reste désormais la guerre.

A bientôt.

Olivier.